Que faire en cas de décès d'un actionnaire ou d'un associé ?
Lorsque le décès d’un associé (SARL) ou d'un actionnaire (SAS) intervient, il est nécessaire de réagir dans les plus brefs délais afin d’assurer la continuité de l’activité de la société et d’en assurer sa survie. En effet, si les statuts peuvent prévoir les conséquences du décès d’un associé, la situation est plus complexe si tel n’a pas été le cas.
Ce que disent les statuts en cas de décès d’un associé :
Lors du décès d’un associé, il conviendra dans un premier temps de vérifier si les statuts prévoient une disposition à ce sujet et si tel a été le cas, il faudra l’appliquer. Pour exemple, les statuts peuvent prévoir, sans que cette liste soit exhaustive :
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que la société sera automatiquement dissoute par la survenance du décès ;
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que la société perdurera avec le conjoint survivant ;
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que la société perdurera avec un ou plusieurs héritiers ou légataires désignés et pour lesquelles il peut être prévu un agrément de la société ;
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que la société perdurera entre associés survivants, évinçant ainsi les héritiers.
Si rien n’a été prévu, la loi dispose que la société continue de plein droit avec les héritiers, s’ils ont accepté la succession, et cela même s’agissant d’une société à associé unique. Ainsi ils acquièrent directement la qualité d’associé et obtiennent ainsi le droit de vote.
Dans une société avec plusieurs associés, si un agrément des autres associés est nécessaire, le droit de vote des héritiers est, dans l’intervalle, momentanément neutralisé ce qui peut entraîner des situations de blocage. Dans ce cas, il est possible de demander au juge des référés de nommer un mandataire qui votera en lieu et place des héritiers.
L’intégration des héritiers dans la société lors du décès d’un associé par l’assemblée générale extraordinaire :
Qu’il(s) soient intégré(s) de plein droit ou sur agrément, une assemblée générale extraordinaire (AGE), sauf exception, devra être convoquée afin de procéder au vote de l’adoption de nouveaux statuts, afin d’intégrer le(s) héritier(s) dans la société en tant qu’associé(s).
La société disposera d’un délai de 3 mois à compter de la notification du décès de l’associé pour procéder à ce vote, faute de quoi, l’agrément sera considéré comme acquis.
Si les héritiers refusent la succession ou sont écartés par l’assemblée générale des associés, les associés disposeront d’un délai de 3 mois à compter de cet événement pour acquérir eux-mêmes les parts sociales ou pour les faire acquérir par la société, ce qui conduira dans le second cas, à une réduction de capital.
Il est à noter que ces deux délais peuvent être prolongés judiciairement.
Par ailleurs, la valeur des parts sociales ou des actions sera appréciée au jour du décès de l’associé, soit d’un commun accord, soit par un expert dont la charge incombera à la société. À noter que le délai maximum pour indemniser les héritiers doit être prévu dans l’acte de modification des statuts et ne peut excéder deux ans. De même, la valeur des parts sociales peut également profiter d'une mécanisme d'assurance sur le décès de l'associé.
L’indivision pouvant résulter du décès de l’associé :
S’il y a plusieurs héritiers, il y aura indivision entre les héritiers. Dans ce cas, chacun des coindivisaires aura la qualité d’associé et devra être convoqué aux assemblées générales. Toutefois, chacun des indivisaires ne pourra exercer individuellement son droit de vote attaché aux parts sociales indivises. Ainsi, il sera nécessaire qu’ils désignent un mandataire eux-mêmes, soit à l’unanimité pour le vote d’actes de disposition, soit à la majorité des 2/3 pour les actes d’administration, c’est-à-dire les actes de gestion courante. À défaut d’accord, il faudra procéder par une désignation en justice.
À noter que si l’un des indivisaires prend spontanément en main la gestion des parts sociales indivises et que les autres coindivisaires en ont connaissance et ne montrent aucune opposition, il pourra revendiquer un mandat tacite, qui sera toutefois valable uniquement pour les actes de gestion courante.
Concernant le cas particulier où l’un des coindivisaires, aux côtés des enfants de l’associé décédé, est le conjoint survivant (ex : en cas de mariage sous la communauté légale), il peut y avoir un cas de démembrement du droit de propriété des parts sociales indivises. En effet, les enfants disposeront de la nue-propriété des parts sociales et le conjoint disposera de l’usufruit. Dans cette situation, les nues-propriétaires auront la qualité d’associés, mais pas l’usufruitier. De même, sauf dérogations prévues par les statuts de société, l’usufruitier disposera seulement du droit de vote concernant l’affectation des bénéfices et toutes les autres décisions appartiendront aux nues-propriétaires.
Enfin, nul n’étant tenu de rester dans l’indivision, un héritier pourra seul forcer les autres à céder leurs parts sociales pour en partager le prix. De même, l’un d’entre eux pourra demander judiciairement à ce que la totalité des parts sociales lui soit attribuée par le biais de l’attribution préférentielle, à charge pour lui d’indemniser les autres héritiers.
Le sort du compte courant de l’associé décédé :
L’associé décédé peut disposer au sein de la société d’un compte courant d’associé dans les lignes duquel peuvent être comptabilisées des sommes avancées par l’associé à la société et qu’elle doit lui rembourser. Le compte courant d’associé est une sorte de prêt accordé par l’associé à la société. Sans convention ni dispositions particulières dans les statuts, le décès de l’associé rend immédiatement exigible le montant apparaissant en crédit du compte courant. Dans ce cas, cette somme devra être versée par la société à la succession de l’associé décédé.
Si une convention de compte courant est prévue entre l’associé décédé et la société pour échelonner le remboursement du compte courant d’associé, mais que cette convention prévoit qu’elle prend fin au décès de l’associé, les héritiers de l'associé décédé peuvent exiger le remboursement de la créance détenue par le défunt, sans que par principe la société puisse leur opposer l'insuffisance de sa trésorerie.
En revanche, si une convention de « blocage » qui diffère l’exigibilité du remboursement des sommes en compte courant d’associé a été signée entre l’associé décédé et la société, les héritiers de l’associé décédé ne peuvent pas exiger le remboursement de la créance détenue par le défunt et devront attendre l’échéance prévue dans la convention de blocage.
Les formalités résultant du décès d’un associé :
Dans tous les cas, des démarches obligatoires devront être réalisées. Si l’associé décédé disposait de plus de 25 % du capital social et/ou du droit de vote, il conviendra de procéder à une nouvelle déclaration des bénéficiaires effectifs.
Dans les sociétés de personnes ou sociétés mixtes telles que la société à responsabilité limitée (SARL) ou l’entreprise individuelle à responsabilité limitée (EURL), une modification statutaire devra être réalisée afin d’intégrer les modifications de répartition du capital en raison de la mort de l’associé. À ce titre, une publication auprès d’un journal d’annonces légales (JAL) pourrait être nécessaire et des démarches de dépôts auprès du centre de formalités des entreprises (CFE) ou du greffe du tribunal de commerce du lieu du siège social de la société devront être réalisées si les héritiers acquièrent la qualité d’associés.
Dans les sociétés de capitaux somme la société par actions simplifiée (SAS) ou la société par actions simplifiée à associé unique (SASU), si les héritiers acquièrent la qualité d’actionnaires, ils devront être reportés sur le registre de mouvement des actions. En parallèle si le décès de l’associé entraine une réduction de capital de la société, toutes les formalités attachées à cette réduction devront être respectées.
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Enfin, en raison de toutes les difficultés, ci-dessus détaillées, pouvant résulter du décès d’un associé, il est fortement conseillé de prévoir, en amont dans les statuts, toutes les conséquences liées à ce décès. Ces difficultés pourraient également être traitées dans le cadre d’un pacte d’associés ou pacte d’actionnaires et faire l'objet d'un mécanisme d'assurance.
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Le Cabinet DAVIDOVA AVOCAT, intervenant en droit des affaires, accompagne les dirigeants d'entreprises et les entrepreneurs sur tous les aspects ayant trait à leur vie privée (famille, patrimoine et successions) dont les enjeux sont souvent majeurs pour leur entreprise ou société.