La rupture du contrat d'agent commercial
La rupture du contrat d’agent commercial est soumise à des modalités particulières en raison du statut spécifique de l’agent : un préavis devra être respecté selon que le contrat soit à durée déterminée ou indéterminée, la rupture peut ouvrir droit à une indemnité spécifique et une clause de non-concurrence peut être prévue. Ces modalités propres à l’agent commercial sont complexes et génératrice d’un contentieux avec des enjeux significatifs.
Pour rappel, l’agent commercial est un professionnel personne physique ou morale (dit mandataire) qui est chargé, dans le cadre de son activité professionnelle, de négocier et/ou de conclure des contrats de vente, de location ou de prestation de service par et pour le compte d’autres personnes physiques ou morales (dites mandantes) de façon permanente et indépendante. Il ne faut pas le confondre avec le VRP, le courtier et le commissionnaire qui ont des statuts différents.
Dans le cadre de la présente note, il ne sera question que des enjeux de la rupture du contrat d’agent commercial. Pour plus de précision sur la définition et le statut de l’agent commercial, une note lui a été spécifiquement consacrée.
Les modalités de rupture du contrat d’agent commercial et cas de rupture
Les modalités de rupture du contrat d’agent commercial sont encadrées par le Code du commerce aux articles L.134-11 et suivants.
Le contrat d'agent commercial peut être soit à durée déterminée soit à durée indéterminée.
S’agissant du contrat à durée déterminée, il prendra fin à son terme prévu. Toutefois, il pourra être résilié judiciairement ou unilatéralement par l’une des parties en cas de manquement grave de l’autre partie (faute grave, diminution du taux de commission, réduction du secteur, etc.). Il pourra également prendre fin en raison d’un cas de force majeure empêchant l’agent commercial de poursuivre l’exécution de sa mission (décès, maladie, infirmité) et entraînant la caducité du contrat.
S’agissant du contrat à durée indéterminée, il peut prendre fin à tout moment à condition que les parties respectent un délai de préavis : 1 mois par année commencée dans la limite de 3 mois (délai légal). Ce délai ne s’applique pas en cas de faute grave ou de force majeure.
En cas de non-respect du délai de préavis, l’agent pourra prétendre à une indemnité compensatrice de préavis correspondante au montant des commissions qu'il aurait perçues pendant le délai de préavis. De la même façon, si c’est l’agent commercial qui ne respecte pas ce préavis, il pourra être condamné à payer une indemnité du même montant.
Les parties pourront convenir initialement dans le contrat d’agent commercial que les délais seront plus longs (sans que celui du mandant puisse être plus court que l’agent commercial), mais pas plus courts.
Ces règles spécifiques excluent donc l'application des dispositions relatives à la rupture d'une relation commerciale établie.
Les effets de la rupture du contrat d’agent commercial
L’indemnité de fin de contrat d’agent commercial
Toute cessation du contrat, même pendant la période d’essai, donne à l’agent commercial le droit à une indemnité compensatrice en réparation du préjudice subit. Ce droit est d’ordre public et ne peut faire l’objet d’une renonciation. De même, cette indemnité est due quelle que soit la cause de la rupture du contrat : terme du contrat ou du préavis, caducité, résiliation. De plus, en cas de décès, les ayants droit de l’agent bénéficient de cette indemnité.
À noter toutefois que l’agent commercial perd son droit à réparation s'il n'a pas notifié au mandant, dans un délai d'un an à compter de la cessation effective du contrat, qu'il entend faire valoir ses droits.
Attention, l’indemnité n’est pas due en cas :
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de faute grave de l’agent : c’est une faute rendant impossible le maintien du lien contractuel en raison de l’atteinte portée à l’intérêt commun du mandat (ex. : dissimulation d’activités parallèles, défaut de prospection d’une catégorie de la clientèle, refus injustifié de suivre les instructions du mandant, démarchage de clients pour son compte personnel, production d’un faux contrat commercial, etc.). À l’inverse, ne constitue pas une faute grave le défaut d’immatriculation de l’agent au registre des agents commerciaux, la diminution des ventes, la commission de quelques erreurs. À noter que les parties ne peuvent prévoir à l’avance dans le contrat que tel ou tel comportement constituera une faute grave. Enfin, il appartiendra au mandant de rapporter la preuve de cette faute grave et dont la réalité appartiendra à l’appréciation souveraine des juges du fond ;
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de rupture à l’initiative de l’agent sauf à ce qu’elle soit justifiée par des faits imputables au mandant, ou par son âge, ou par sa maladie ou son infirmité. La jurisprudence a pu préciser qu’en cas de refus de renouveler le contrat, l’indemnité n’est pas due. Le mandant pourrait même être fondé à solliciter une indemnité pour brusque rupture ;
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de rupture résultant de la cession du contrat par l’agent ;
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de cessation de l’entreprise pour cas de force majeure (l’ouverture d’une procédure collective n’en faisant pas partie) ou cession de l’entreprise.
Cette indemnité compense la perte future des commissions tirées de l’exploitation et du développement d’une clientèle commune, mais pas les éventuels préjudices découlant d’une brusque ou abusive rupture ou d’une rupture anticipée d’un contrat à durée déterminée. Ceux-ci pourront faire l’objet d’une indemnité distincte réparant le caractère soudain ou abusif de l’événement dans les premiers cas et la perte des potentielles commissions que l’agent aurait perçues jusqu'à la date de fin initialement prévue dans le contrat dans le second cas.
Concernant le montant de l’indemnité, il n’y a pas de règle la fixant : elle doit réparer la perte de toutes les rémunérations qui auraient été acquises par l’agent, en raison du développement antérieur de l’activité dans l’intérêt commun des parties, si le contrat avait perduré. Autrement dit, cette indemnité doit compenser les efforts qu’il a réalisés durant le contrat, mais qui ne porteront leur fruit qu’après la cessation du contrat.
La jurisprudence semble s’accorder sur une indemnité à hauteur de deux années de commissions brutes, calculée sur la moyenne des trois dernières années selon la durée du contrat. Toutefois, elle est soumise à l’appréciation souveraine des juges du fond selon les circonstances.
Les parties ne peuvent pas prévoir contractuellement une indemnité forfaitaire plus faible que le préjudice finalement subit, mais, s’il apparaît que l’indemnité prévue contractuellement est plus importante que le préjudice finalement subit, celle-ci sera due.
La clause de non-concurrence
Lors de la conclusion du contrat, il est possible de prévoir une clause de non-concurrence qui prendra effet à l’issue du contrat et pour une durée de deux ans maximum. Cette clause devra prévoir, par écrit, le secteur géographique, le groupe de personne et le type de biens ou de services concernés, c’est-à-dire ceux confiés à l’agent commercial durant la durée du mandat. Aucune contrepartie financière n'est nécessaire.
La clause ne non concurrence interdit à l'agent commercial dans le cadre de la même activité, d'exploiter la clientèle qu’il a développée pendant la durée du mandat, mais la clause doit être proportionnée et ne doit pas conduire à ce que l’ancien agent commercial soit empêché d’exercer toute activité professionnelle.
En l’absence de clause de non-concurrence, l’agent sera tout de même tenu de ne pas commettre d’actes constitutifs de concurrence déloyale à l’égard de son ancien mandant, notamment en utilisant son ancienne qualité d’agent pour créer une confusion avec sa nouvelle activité ou pour s’approprier d’anciens clients.
La tenue des comptes
À la fin du contrat, l’agent devra rendre des comptes à son mandant en dressant un compte rendu de sa gestion comptable à titre informatif, mais également afin de lui restituer toutes les sommes qu’il a perçues pour son compte et dont il a encore la disposition.
Le contentieux de la rupture du contrat d’agent commercial
En raison du caractère civil de son activité, l’agent commercial qui agit en tant que demandeur pourra assigner le mandant, à son choix, devant le tribunal de commerce ou devant le tribunal judiciaire (une clause attributive de compétence serait inopposable à l’agent). À l’inverse, si c’est le mandant qui initie l’action, il devra impérativement saisir le tribunal judiciaire sauf à ce que l’agent soit une société commerciale.
La juridiction territorialement compétente sera, conformément aux dispositions du Code de procédure civile, au choix entre le domicile du défendeur et le lieu de l’exécution de la prestation de service, c’est-à-dire dans le cas de l’agent commercial, principalement son siège social.
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Le Cabinet DAVIDOVA AVOCAT, intervenant en droit des affaires, accompagne les dirigeants et les entrepreneurs sur tous les aspects ayant trait à leur activité et au développement de leur entreprise ou société. Le Cabinet DAVIDOVA AVOCAT accompagne notamment les entreprises ou les agents commerciaux dans le cadre d'un contentieux né à l'occasion d'un contrat d'agent commercial.