Vendre un droit au bail commercial
La vente, ou cession, d’un bail commercial est l’acte juridique par lequel, le locataire cédant, cède son contrat de location qui le lie avec le bailleur au profit d’un locataire cessionnaire. Cette cession du droit au bail peut être autonome ou intervenir dans le cadre de la cession d’un fonds de commerce ou de l’entreprise qui exploite bail commercial.
Pour rappel, un bail commercial est un contrat de location d’un local entre un bailleur et un locataire (dit preneur) lui permettant d’exploiter son fonds commercial, artisanal ou industriel et de bénéficier du statut protecteur des baux commerciaux qui lui assure une protection dans l’exercice de son activité professionnelle.
Les conditions de la cession du bail commercial
Conformément à tout contrat, les parties doivent, à peine de nullité, avoir la capacité de contracter, leur consentement doit être exempt de vice (dol, erreur ou violence) et le contenu de la cession doit être licite et certain.
À côte, il existe d’autres conditions propres à la cession d’un bail commercial, détaillées ci-après.
Les limitations de la vente du bail commercial
En principe, la cession du droit au bail est libre. Toutefois, cette liberté va dépendre de la nature de la cession. S’il s’agit d’une cession du droit au bail intervenant simultanément à la cession d’un fonds de commerce ou d’une entreprise, le Code de commerce prévoit que toutes clauses dans le contrat de location tendant à l’interdire sont réputées non écrites.
À l’inverse, Le Code civil prévoit que la cession isolée du droit au bail est par principe libre, mais peut être valablement limitée, voire interdite, par des clauses contraires, parmi lesquelles :
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La clause d’agrément qui impose l’accord du bailleur sur l’identité de l’acheteur (dit cessionnaire) ;
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La clause imposant l’accord exprès du bailleur en cas de cession du bail sans le fonds de commerce ;
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La clause imposant son intervention à l’acte de cession ;
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La clause d’interdiction : le bailleur peut interdire purement et simplement au locataire de céder seul, sans le fonds de commerce, le droit au bail ;
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La clause de préemption au bénéfice du bailleur : cette clause prévoit que le locataire, lorsqu’il souhaite procéder à la cession du bail, doit le proposer en priorité au propriétaire.
Dans tous les cas, ces limitations sont soumises au contrôle du juge qui vérifiera si aucun abus n’a été exercé par le bailleur qui pourra, le cas échéant, être condamné au paiement de dommages et intérêts. Ce sera le cas notamment en cas de refus non motivé d’une cession soumise à l’accord préalable et écrit du bailleur.
Par ailleurs, les dispositions du Code de commerce ne s’appliqueront pas dès lors que la cession du fonds de commerce déguise en réalité une cession du bail seul : ce sera le cas lorsque le fonds n’a pas ou plus de clientèle (ou qu’elle n’est pas cédée) ou que sont écartés la majorité des éléments corporels ou incorporels du fonds ou seulement un élément essentiel du fonds. Par contre, une cession partielle est possible si elle comprend une branche d’activité qui peut constituer un fonds distinct et autonome.
Par ailleurs, la cession du bail est limitée par le droit de préemption accordé aux communes sous certaines conditions (bail commercial situé dans un périmètre de sauvegarde du commerce et de l’artisanat de proximité défini par le Conseil municipal). Au même titre que pour la cession du fonds de commerce, il conviendra alors de faire une déclaration préalable auprès de la mairie.
Au vu de ce qui précède, lors de la vente d’un bail commercial, il pourra être opportun d’inclure dans la promesse de vente, des clauses suspensives prévoyant que la conclusion finale du contrat est conditionnée à l’agrément ou l’accord du bailleur, au défaut d’exercice par la commune de son droit de préemption, etc.
La négociation préalable à la vente du bail commercial
Afin d’arriver à un accord sur les conditions de la cession du droit au bail, les parties vont négocier. Au nom de la liberté contractuelle, chaque partie est libre de contracter ou de ne pas contracter, mais plus encore, elle est libre de rompre les pourparlers quand elle l’entend, sous réserve de satisfaire aux exigences de la bonne foi. Pour plus de précision sur les pourparlers, une note a été spécifiquement consacrée aux conditions exigées de la rupture des pourparlers pour qu’elle ne soit pas considérée comme fautive.
Afin d’encadrer et de sécuriser les négociations qui peuvent être complexes, il peut être utile de recourir à des « avant-contrats » : contrat de pourparlers, contrat de négociation, etc. Il est utile de prévoir dans ces contrats un certain nombre de choses : durée des négociations, charge financière d’éventuels frais (expertise du bien, estimation, etc.) et accord de confidentialité ou d’exclusivité.
Il est également possible de recourir aux accords partiels qui permettent de contractualiser au fur et à mesure des éléments du contrat projeté, c’est notamment le cas de la LOI ou de la lettre d’intention.
À l’issue des négociations, il peut être procédé à une promesse unilatérale ou synallagmatique de vente de bail du locataire cédant à l’égard d’un locataire cessionnaire. Dans le premier cas, le promettant va s’engager définitivement à céder le contrat de location à un bénéficiaire qui dispose d’une option d’achat et dans le second cas, les deux sont engagés réciproquement.
Le recours à cette promesse permet de sécuriser la vente du contrat de bail dès lors qu’il est possible d’y inclure des conditions suspensives qui, si elles ne se réalisent pas, empêcheront la conclusion du contrat. Notamment, en matière de cession de bail commercial, il paraît essentiel d’inclure des conditions suspensives relatives aux exigences posées par le contrat de bail initial en cas de cession de celui-ci (agrément, participation du propriétaire à la vente, etc.).
Les formalités de la vente du bail commercial
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La signification de la cession au bailleur :
Tout comme la cession de créances classique, la cession du droit au bail doit être signifiée au bailleur, même si elle est incluse à la cession d’un fonds de commerce. À défaut, la cession ne sera pas nulle, mais elle sera inopposable aux tiers parmi lesquels le bailleur. Cette signification n’aura pas lieu si le bailleur a participé à l’acte authentique de cession.
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L’état des lieux préalable :
Conformément à toute entrée en possession du local, le Code de commerce prévoit l’obligation de réaliser un état des lieux à l’amiable entre le locataire cessionnaire et le bailleur ou avec l’aide d’un huissier de justice.
Outre ces formalités, si la cession du bail est incluse dans la cession d’un fonds de commerce, il faudra procéder aux formalités prévues dans le cadre de la vente d’un fonds de commerce : publication dans un dans un journal d’annonces légales (JAL) et au Bulletin officiel des annonces civiles et commerciales (BODACC), enregistrement au service des impôts des entreprises (SIE) et effectuer les déclarations nécessaires auprès de l’administration fiscale. Pour plus de détail sur ces formalités, il est possible de consulter la note relative à la cession du fonds de commerce.
Les effets de la cession du bail commercial
Le locataire cédant transmet son droit de jouissance sur le local ainsi que toutes ses obligations au locataire repreneur. Ainsi, le contrat qui subsiste est repris par le nouveau locataire aux mêmes conditions qu’avec l’ancien locataire : prix du loyer, durée restant à courir, droit au renouvellement, modalités de révision du loyer, modalités de résiliation, clauses d’agrément, etc.
Pour plus de précision sur ces modalités, il est possible de consulter une note spécifiquement consacrée à la rédaction d’un bail commercial.
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La solidarité du cédant :
Par principe, la cession régulière du bail commercial vaut libération du cédant, pour ce qui est des obligations postérieures à la cession, ce qui empêche le bailleur de l’appeler en paiement en cas d’inexécution du locataire cessionnaire.
Toutefois, il est possible d’inclure une clause de solidarité ou de garantie solidaire selon laquelle le locataire vendeur garantit solidairement avec le locataire acquéreur l’exécution du contrat de bail commercial. Dès lors, le bailleur pourra demander directement au cédant, en cas d’inexécution du locataire cessionnaire, l’exécution de l’obligation sans qu’il ne puisse invoquer le bénéfice de discussion (il ne s’agit pas d’un cautionnement), à condition d’en user de bonne foi. Par contre, le cédant pourra être déchargé de son obligation en cas de négligence du bailleur dans le recouvrement de sa créance.
Cette solidarité vaudra jusqu’à l’expiration du bail en cours (mais elle ne prendra pas fin en cas de tacite prolongation) dans la limite de 3 ans à compter de la cession (depuis la Loi PINEL du 10 juin 2014).
Toutefois, cette solidarité est entendue strictement en ce qu’elle s’applique uniquement sur le paiement des loyers et pas sur les réparations locatives, l’indemnité d’occupation ou les impôts.
Dans tous les cas, le bailleur doit informer le cédant, en cas de défaut de paiement du cessionnaire, dans un délai d’un mois à compter de la date à laquelle la somme aurait dû être acquittée par celui-ci. Toutefois, aucune sanction n’est prévue par le texte, sauf à ce que le cédant invoque un préjudice subi de ce fait.
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Le droit au renouvellement :
Respecte les conditions exigées par le statut des baux commerciaux, le locataire acquéreur pourra bénéficier du droit au renouvellement du bail commercial. À ce titre, il devra justifier d’une exploitation du fonds pendant les 3 dernières années précédant la date d’expiration du bail. Pour le calcul de ces 3 années, le cessionnaire peut compléter sa durée d’exploitation avec celle du cédant à la condition qu’il s’agisse du même fonds. Ainsi, le cessionnaire doit avoir acquis le fonds et non seulement le bail.
Pour plus de précision sur le renouvellement du bail commercial, il est possible de consulter une note spécifiquement consacrée à ce sujet.
Les sanctions à l’irrégularité de cession du bail commercial
En cas de non-respect des formalités imposées par le bail (agrément, accord du bailleur) ou en l’absence de signification de la cession au bailleur, la cession est inopposable au bailleur. Dès lors, le cessionnaire devient un occupant sans droit ni titre et le bailleur pourra solliciter son expulsion.
Par ailleurs, le bailleur pourra refuser le renouvellement du bail sans indemnité d’éviction en raison de la cession irrégulière de celui-ci qui constitue un motif grave et légitime.
Le bailleur pourra également demander la résiliation judiciaire du bail dès lors que la gravité de la faute, appréciée souverainement par les juges du fond, permet de le justifier (ex. : en l’absence d’appel du bailleur à concourir à l’acte de cession en contrariété avec les dispositions du bail, en l’absence du consentement exprès et écrit du bailleur pourtant contractuellement exigé, en contrariété avec le droit de préemption ou le pacte de préférence au bénéfice du bailleur, etc.).
Enfin, si elle a été prévue, le bailleur pourra mettre en œuvre la clause résolutoire qui prévoit la résolution de plein droit en cas de manquement aux stipulations contractuelles, dont celles relatives aux modalités de cession du droit au bail. Il sera nécessaire de respecter un délai d’un mois après l’envoi d’une mise en demeure d’avoir à régulariser le manquement invoqué, et cela, même si le manquement est irrémédiable.
Attention, l’irrégularité ne peut plus être invoquée par le bailleur dès lors qu’il a expressément ou tacitement renoncé à s’en prévaloir (ex. : délivrance de quittance de loyer).
Dans tous les cas, les parties qui ont commis une faute pourront voir leur responsabilité engagée et être condamnées au versement de dommages-intérêts. À ce titre, le cessionnaire évincé du fait du cédant pourra agir en responsabilité civile contre lui.
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Pour plus de précision concernant le bail commercial, il est possible de consulter des notes spécifiquement consacrées à la rédaction d’un bail commercial ou encore à l’achat d’un bail commercial et au renouvellement du bail commercial.
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